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La commission Environnement du CESE auditionne Valérie Masson-Delmotte sur les bases scientifiques du changement climatique

« Nous pouvons réduire de moitié les émissions d’ici à 2030, mais il faut agir dès aujourd’hui », tel était le propos central de Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et co-présidente du groupe 1 du GIEC le 7 juin 2022 devant le Conseil économique social et environnemental (CESE) et en présence de l'Unaf, qui l’auditionnait sur les bases scientifiques du changement climatique.

Changement climatique, fonte des glaciers

Durant la période 2010-2019, les émissions mondiales annuelles moyennes de gaz à effet de serre (GES) ont été à leur plus haut niveau de l’histoire de l’humanité. Le rôle de l’activité humaine dans cette augmentation, de même que son impact sur le climat sont des faits scientifiquement prouvés. Si leur rythme d’augmentation a ralenti, il faut cependant aujourd’hui une réduction immédiate et radicale des émissions de GES dans tous les secteurs. Sans cette action énergique, il sera impossible de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C. Toutefois, les scientifiques qui ont rédigé le rapport du GIEC estiment qu’en prenant les bonnes décisions aujourd’hui, nous pouvons réduire de moitié les émissions de GES d’ici à 2030 pour garantir un avenir vivable. Mais il faut agir dès aujourd’hui.

Le 7 juin 2022, le CESE a auditionné Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue et co-présidente du groupe 1 du GIEC sur les bases scientifiques du changement climatique.

Sa présentation des rapports de chacun des 3 groupes du GIEC s’inscrivait dans le cadre d’une saisine de la commission Environnement du CESE sur la « Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC), quelle gouvernance pour la transition écologique ?». L’Unaf était représentée par Marie-Josée Balducchi, membre de la commission Environnement du CESE, Bernard Desbrosses, membre du CESE, Dominique Allaume-Bobe, administratrice de l’Unaf, Isabelle Gaillard, représentante de l’Unaf et Marie-Claude Picardat, membre du groupe Familles du CESE. Marilia Mendès, coordonnatrice du pôle Habitat-Cadre de vie-Environnement et Valentine de La Morinerie et Claire Ménard, chargées de mission, participaient également à cette séance.

Quelles sont les bases physiques du changement climatique ? Les constats

Les émissions de GES sont particulièrement élevées et ont connu de très importantes augmentations depuis les années 1990. Elles sont les principales causes du réchauffement climatique dans les dernières décennies : + 1,1°C sur la moyenne des 10 dernières années par rapport à 1850 auquel va s’ajouter une augmentation supplémentaire de 1,5 °C dans les 20 ans à venir. Le réchauffement pourrait même atteindre + 2°C voire + 3°C à la fin du siècle si le climat était encore plus dégradé.

Les émissions de GES ont pour effet une forte accumulation de l’énergie : la chaleur ne part plus dans l’espace et reste piégée au sol provoquant ainsi le réchauffement de l’atmosphère.

Ce n’est pas la première période de réchauffement que connaît la planète : il y a 125.000 ans, un fort réchauffement s’était produit, lié à une orbite différente de la Terre. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation différente : il est scientifiquement prouvé que le réchauffement climatique que nous connaissons actuellement résulte de l’activité humaine.

L’augmentation des émissions de gaz à effet de serre provient de l’usage de dioxyde de carbone, de méthane et de l’oxyde nitreux lié au développement industriel, de l’augmentation de l’élevage intensif, de l’usage important d’engrais azotés, etc.

Au niveau mondial, 10% des habitants les plus aisés de la planète pèsent pour 40 % des émissions de GES alors que 50% des plus pauvres n’émettent que 15%.

L’Europe et les Etats-Unis sont les principaux responsables des émissions qui s’élèvent aujourd’hui à 20 tonnes de CO2 par habitant et par an aux USA, un peu moins de la moitié en France, soit environ 10 tonnes. Elles sont très faibles en Afrique.

La répartition des effets sur la planète est la suivante :

Les conséquences

Les effets du réchauffement climatique touchent toutes les régions du monde, chacune étant frappée de diverses manières :

Les scientifiques estiment à 1 milliard le nombre de personnes qui seront exposées à l’horizon 2050 au risque de montée des eaux sur le littoral, progression qui est aujourd’hui de 3,7 mm par année de dérèglement climatique.

La moitié de la population mondiale actuelle, soit 3,5 milliards d’individus, subira les effets du réchauffement climatique. 

Le réchauffement des océans modifie le climat car ce sont eux qui limitent l’élévation des températures atmosphériques. Le changement climatique provoque également une dégradation des écosystèmes avec un risque particulièrement important dans le bassin méditerranéen. Cette dégradation est notamment liée à l’acidification des eaux, elle-même due à la montée en température de la mer.

Dans toutes les régions du monde, la perte de biodiversité a de graves effets qui ont des répercussions sur la vie des sociétés humaines en particulier pour les populations les plus fragiles :

Nous sommes dans un contexte où les GES, malgré toutes les actions en faveur du climat, risquent de continuer à augmenter jusqu’en 2030, voire 2050. Stopper le réchauffement consiste à stopper les émissions de CO2. C’est pourquoi nous devons utiliser tous les leviers dont nous disposons aujourd’hui et en trouver de nouveaux notamment grâce à l’innovation technologique pour freiner le réchauffement climatique.

Quels sont les moyens d’action ?

Il faut d’une part faire évoluer les comportements individuels, d’autre part appliquer plus systématiquement les politiques publiques de lutte contre le réchauffement climatique.

L’intérêt de l’exposé de Madame Masson-Delmotte résidait dans son réalisme mais aussi dans son optimisme.

En prenant aujourd’hui les bonnes décisions, nous pouvons encore garantir un avenir vivable tout en respectant une justice climatique. Nous disposons des outils et du savoir-faire nécessaires à la limitation du réchauffement. De nombreux pays ont déjà pris des mesures climatiques.

Plusieurs politiques, réglementations et instruments du marché se révèlent efficaces. Si nous les appliquons plus systématiquement, à plus grande échelle et de manière plus équitable, ils pourront contribuer à réduire radicalement les émissions et à stimuler l’innovation. Nous pouvons espérer ainsi une réduction de 40 à 70% des émissions de GES.

Nous disposons déjà de leviers qui peuvent les diviser par deux les GES d’ici 2030 à un coût raisonnable :

Mais des politiques publiques très volontaristes sont en outre absolument nécessaires pour éviter un réchauffement climatique supérieur à 1,5 °C, point à partir duquel les effets du climat seront de plus en plus néfastes pour les populations et pour la planète entière.

Valérie Masson-Delmotte a conclu son propos en rappelant que de nombreux leviers d’action sont disponibles, c’est donc le moment d’agir : les décisions à venir seront importantes et seront structurantes non seulement sur les prochaines décennies mais encore à beaucoup plus long terme sur le niveau de la mer.

Cependant il ne faut pas penser l’action pour le climat de façon cloisonnée mais réorienter, dans son ensemble, notre trajectoire de développement pour qu’elle soit résiliente et aille vers plus de durabilité.

Présentation du rapport

Diffusée en direct le 7 juin 2022